Appel urgent à stabiliser les soins de santé primaires

Le consensus n’a jamais été aussi clair : la priorité absolue dans le système de soins de santé consiste à en réparer la porte d’entrée. Nous assistons actuellement à l’effondrement de notre système de soins primaires ; si ce dernier tient encore, c’est uniquement grâce à la volonté de médecins de famille, d’infirmières praticiennes et de professionnels de la santé surchargés dans nos collectivités, dont les efforts ne sont pas reconnus à leur juste valeur.

Le diagnostic est simple, et la prescription ne faisait déjà aucun doute il y a dix ans. Il n’y a aucun débat possible. Pourtant, les gouvernements successifs continuent de chercher à réaliser des économies au lieu d’investir dans le changement. Les médecins et les professionnels de la santé méritent d’évoluer au sein d’équipes de soins de santé
primaires bien soutenues, dirigées par les médecins, où chaque professionnel de la santé pourra travailler dans la pleine mesure de son champ d’exercice, les citoyens profitant ainsi d’un accès transparent aux services dont ils ont besoin, dans des établissements de pointe dotés des plus récentes technologies.

Pourquoi, alors, politiciens et décideurs n’ontils pas encore engagé les investissements nécessaires à la transformation de notre système de santé ? Là est la question. Il semble que nous ayons déjà investi dans tout, sauf dans l’accès universel et complet aux soins primaires en équipe. Dans le budget provincial de 2022-2023, le gouvernement n’avait prévu que 3,7 millions de dollars pour les équipes multidisciplinaires et 10 millions de dollars supplémentaires pour la transformation des soins primaires. Ces investissements représentent 0,5 % du budget total des soins de santé. Entre-temps, en seulement six mois cette année, plus de 50 millions de dollars ont été consacrés à l’embauche d’infirmières d’agence du secteur privé de l’extérieur de la province.

La règle d’or pour établir un budget, dans n’importe quel ménage, consiste à investir dans ses priorités. Investir ses ressources financières, certes, mais aussi son temps et ses énergies. Il y a maintenant des années que le gouvernement n’a pas convoqué les intervenants du secteur de la santé. Nous comprenons qu’il est difficile de débattre d’idées, de parvenir à un consensus et d’apporter des changements transformateurs, mais c’est là la seule façon d’aller de l’avant. Nous devons résoudre ce problème ensemble, et nous devons le faire maintenant.

Pour les médecins, les prochaines étapes sont claires. Elles ne diffèrent pas tellement des mesures qu’eux-mêmes adopteraient en situation de crise en santé. La première étape consiste à stabiliser le patient. Cela signifie qu’il faut investir immédiatement, à grande échelle, dans le maintien en poste des médecins de famille et des infirmières
praticiennes, afin de s’assurer que ceux-ci continuent d’exercer un peu plus longtemps tandis que nous unissons nos forces pour remettre le système sur les rails, comme l’ont fait la Saskatchewan, le Manitoba, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse au cours des derniers mois. Le besoin est évident ; nous prenons rapidement du retard, et il nous faut arrêter l’hémorragie.

À la lumière de ce qui précède, la Société médicale du Nouveau-Brunswick a présenté au gouvernement un plan détaillé. Nous avons proposé des pistes d’investissement prioritaire, visant à garantir que les médecins et les professionnels de la santé qui portent actuellement le système à bout de bras demeurent en poste, et que les nouveaux médecins choisissent d’exercer la médecine familiale. Il faut agir – dès maintenant. Chaque semaine qui passera, de plus en plus de médecins feront des choix en ce qui concerne leur avenir. Nous devons montrer que leur maintien en poste constitue pour nous une priorité, et que nous sommes sérieux dans notre volonté de réparer le système de soins de santé.

La Dre Paula Keating est médecin de famille à Miramichi et présidente de la Société médicale du Nouveau-Brunswick.