Dans un contexte d’incertitude politique et de pandémie, les soins de santé doivent aller de l’avant
Un éventuel bouleversement politique et une deuxième vague de COVID-19 pourraient avoir des répercussions considérables sur l’avenir des soins de santé au Nouveau-Brunswick.
Au moment d’écrire ces lignes, on ne sait pas avec certitude si une collaboration plus formelle entre les partis politiques ouvrira la voie au Nouveau-Brunswick ou si nous nous acheminons vers des élections provinciales dans un avenir proche. Ce qui est clair et ce qu’on ne peut pas perdre de vue en ces temps incertains, c’est le besoin d’une amélioration radicale du système de santé dans notre province.
Les médecins et d’autres parties prenantes ont relevé les nombreux problèmes importants auxquels notre système de santé est confronté : la pénurie de professionnels de la santé et de lits d’hôpitaux disponibles; des temps d’attente pour les chirurgies et les soins d’urgence parmi les plus longs au Canada; la plus grande proportion de personnes âgées et les taux les plus élevés au pays de problèmes de santé chroniques tels que le diabète, les maladies cardiaques et le cancer; et une pénurie de ressources en matière de santé mentale et de dépendance. Ce ne sont là que quelques-uns des défis à relever.
En évoquant ces défis, nous faisons référence au « système » de santé, mais ce qui nous préoccupe en fin de compte, c’est la santé des gens du Nouveau-Brunswick. Tout effort visant à modifier ou à améliorer notre système de santé doit être fondé sur des preuves solides et avoir pour objectif d’améliorer l’accès aux soins pour tous les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises.
Grâce au leadership des responsables de la Santé publique et des fournisseurs de soins de santé locaux, ainsi que du premier ministre Higgs et du comité multipartite du Cabinet sur la COVID‑19, le Nouveau-Brunswick a mieux surmonté la première vague de COVID-19 que la plupart des autres provinces. Mais cela ne s’est pas fait sans sacrifices : la liste d’attente pour les chirurgies s’est allongée de manière considérable lorsque les procédures non urgentes ont été mises en attente pendant les premiers mois de la pandémie. Les défis décrits ci-dessus ne sont que quelques-uns des nombreux défis qui sont restés en suspens alors que nous concentrions notre attention sur la pandémie, une situation de risque immédiat.
À mesure que nous continuons sur notre lancée, je crois que le Nouveau-Brunswick est bien préparé pour gérer une deuxième vague attendue de COVID-19. Au cours des derniers mois, nous avons tiré de nombreuses leçons qui nous permettront de savoir comment le gouvernement, les responsables de la santé et le public réagiront à la prochaine phase de la pandémie.
Avec la rentrée scolaire le mois prochain, il est essentiel que nous trouvions un équilibre entre les besoins sociétaux, éducatifs et économiques et la sécurité des Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises. Il faut continuer à effectuer beaucoup de tests de COVID-19 dans toutes les collectivités et maintenir un stock adéquat d’équipement de protection individuel pour les fournisseurs de soins de santé. Nous avons tous vu les avantages des soins virtuels pendant la pandémie; il est clair que nous avons besoin d’un plan à long terme et durable pour les soins virtuels pendant et après la COVID-19. J’encourage également une plus grande participation des médecins locaux à la planification clinique afin de soutenir le groupe de travail du gouvernement sur la pandémie au cours des prochaines phases de la COVID‑19.
Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la pandémie, mais nous devons aussi permettre à notre système de santé d’aller de l’avant à l’instar de notre économie. Nous devons apporter des changements. Le statu quo était insoutenable et inacceptable avant la pandémie, et cela n’a pas changé. Quel que soit le résultat des discussions politiques qui se déroulent à Fredericton, tous les partis politiques se doivent de reconnaître que les soins de santé constituent une question clé.
Le système de santé du Nouveau-Brunswick a besoin d’un plan provincial de santé renouvelé, élaboré en collaboration avec le gouvernement et les dirigeants du secteur de la santé. Le dernier plan, mis en place par le gouvernement Alward, a expiré en 2018. Un plan provincial de santé doit adopter une vision holistique du système de santé avec des objectifs concrets pour aligner les services fournis dans la province sur les besoins de notre population.
Les budgets de la santé devraient être axés sur la satisfaction des besoins immédiats de la population tout en préparant adéquatement l’avenir des soins de santé au Nouveau-Brunswick : en veillant à ce que les ressources appropriées soient disponibles pour répondre aux besoins fondamentaux de chaque collectivité; en intégrant les services pour améliorer les soins aux personnes âgées et les soins communautaires; en créant un système de soins primaires solide qui contribue à la prestation de soins exceptionnels; et en permettant des solutions virtuelles là et quand elles sont appropriées, surtout pour les collectivités rurales et éloignées.
Dans son budget de 2020-2021, le gouvernement Higgs a annoncé une augmentation de 3,9 % des dépenses de santé, un pas dans la bonne direction. À la fin de l’année dernière, le gouvernement fédéral a annoncé un montant supplémentaire de 219 millions de dollars en paiements inconditionnels au Nouveau-Brunswick en 2020-2021, ce qui dépassait nettement les attentes des responsables provinciaux. À l’avenir, une partie importante de ces paiements fédéraux annuels devrait être allouée au budget provincial de la santé pour couvrir l’inflation, l’augmentation du coût des soins aux personnes âgées et la croissance globale du système.
La province a également besoin d’une stratégie solide en matière de ressources humaines dans le secteur de la santé afin d’améliorer le recrutement et le maintien en poste des médecins, du personnel infirmier et des autres professionnels de la santé, qui jouent tous un rôle essentiel dans l’optimisation des soins aux patients.
Le Nouveau-Brunswick a besoin d’un accent renouvelé sur la gestion des ressources humaines en santé et d’un plan holistique pour les besoins actuels et futurs de tous les professionnels de la santé réglementés. Nous sommes en concurrence avec toutes les autres régions pour ces personnes dont nous avons tant besoin. Un cadre de recrutement provincial est nécessaire avec la collaboration des régies régionales de la santé, du gouvernement et des professionnels de la santé. De plus, il faut envisager la possibilité de financer des places supplémentaires dans les programmes et les écoles de médecine.
Les pénuries existantes ont causé de nombreux problèmes ces dernières années. De 30 000 à 35 000 Néo-Brunswickois n’ont pas de fournisseur de soins primaires. Ce nombre fluctue, mais demeure beaucoup trop élevé. Nous avons également constaté une pénurie de professionnels de la santé, ce qui a entraîné de nombreuses interruptions de service dans les régions du Nord. Au fil du vieillissement de notre population et du départ à retraite de professionnels de la santé, les défis ne feront que s’accroître. Cela ne peut pas continuer.
En plus de simplement embaucher plus de professionnels de la santé, nous devons renforcer notre système de soins primaires et accroître l’accès aux services. Avec des services de santé primaires solides, les patients peuvent éviter les salles d’urgence et les cliniques sans rendez-vous, se concentrer sur les soins préventifs et rester au sein de leur collectivité. Les investissements dans les soins de santé primaires pourraient inclure l’intégration de professionnels de la santé dans les cabinets médicaux, l’expansion de Médecine familiale Nouveau-Brunswick, le modèle de médecine familiale en collaboration de la province, la création d’une nouvelle stratégie provinciale de santé en ligne, l’amélioration des pratiques des cliniques sans rendez-vous et l’amélioration de l’accès aux services de reproduction et aux soins de santé pour les patients LGBTQ+.
Selon la Société médicale du Nouveau-Brunswick, ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses questions qui doivent être examinées – dès maintenant.
Que nous nous retrouvions avec un gouvernement davantage axé sur la collaboration ou que nous soyons appelés aux urnes dans les semaines ou les mois à venir, ces questions ne disparaîtront pas. L’amélioration des soins de santé est un jeu de longue haleine. Il nous a fallu de nombreuses années pour en arriver là et il faudra un effort concerté et ciblé de la part des gouvernements et des responsables des soins de santé d’aujourd’hui et de demain, si nous voulons améliorer le système et, en fin de compte, fournir de meilleurs soins à tous les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises.
Le Dr Chris Goodyear, FRCSC, chirurgien général à Fredericton, est le président de la Société médicale du Nouveau-Brunswick.