Le Nouveau-Brunswick a besoin d’un plan de santé à long terme

La viabilité des soins de santé est l’un des enjeux majeurs partout au pays. Le Nouveau-Brunswick ne diffère aucunement des autres provinces à cet égard. Les médecins du Nouveau-Brunswick font partie d’un mouvement dirigé par l’Association médicale canadienne et l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et lancé il y a plusieurs années, qui demande un changement transformateur de notre système de soins de santé afin d’en assurer la viabilité à long terme. Il y a longtemps que nous reconnaissons la nécessité de nous asseoir et de repenser la manière de prodiguer les soins de santé.

Il y a près d’un an, le gouvernement Alward a sillonné la province afin d’élaborer un nouveau plan de santé pour la province. Forte des commentaires de plus de quatre cents médecins de la province, la Société médicale du Nouveau-Brunswick a présenté des douzaines de recommandations destinées à assurer la viabilité. Nous serons francs : aucune d’elles ne représentait des solutions faciles, car il n’existe pas de solutions faciles. Toutes les solutions nécessitent de la collaboration, de l’engagement et beaucoup de réflexion.

Les gens ont compris qu’il faut du changement à long terme. Dans un éditorial, le Telegraph Journal a dit de notre plan que c’était une lecture obligatoire pour les membres du gouvernement, une ordonnance qu’il valait la peine de remplir et un conseil judicieux. L’Acadie Nouvelle a abondé dans le même sens : « nous sommes d’avis que leur engagement pourrait permettre de transformer plus rapidement tout l’appareil de la santé ». Malheureusement, à ce jour, nous n’avons aucune preuve de plan à long terme du gouvernement en matière de soins de santé.

Nous considérons que l’absence de plan est un problème grave. Les médecins tentent d’orienter les changements dans notre système, mais ce que nous voyons, en l’absence de tout examen judicieux, est une vision à court terme pour résoudre des problèmes à long terme. Nous avons des problèmes économiques à long terme également, et même s’il y a de nombreuses idées pour ces problèmes, nous nous en tiendrons à ce que nous savons. Notre système de soins de santé doit relever des défis de viabilité. Nous avons été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme à ce sujet, car même si nous pouvons gérer beaucoup mieux notre système, nous savons également que les soins de santé sont principalement déterminés par les besoins des patients.

Chaque fois que vous consultez votre médecin, ce dernier est payé par l’Assurance-maladie. Lorsque les consultations augmentent, les coûts augmentent, et nous avons beaucoup de consultations. Notre population est la plus âgée au Canada. La durée et la fréquence des consultations des aînés sont supérieures; les aînés nécessitent cinq fois plus de ressources en soins de santé que les jeunes. Nous sommes parmi les populations les moins en santé de la nation. Soixante pour cent ont au moins une maladie chronique;  treize pour cent des personnes atteintes d’une maladie chronique prennent six médicaments ou plus. Nous avons le deuxième taux d’invalidité le plus élevé au Canada. Nous avons le troisième taux de diabète le plus élevé, et le troisième taux de cancer le plus élevé. Par ailleurs, nous nous classons au deuxième rang au chapitre de la population la plus en surpoids, deux tiers d’entre nous étant en surpoids ou obèses. Ce sont là des problèmes à long terme sérieux, qui ne peuvent pas être plafonnés dans un chiffrier. Ils ne disparaîtront pas dans deux ans, mais nous devons y travailler immédiatement.

Nous rencontrons 20 000 patients par jour et nous vivons ces statistiques. De plus, nous savons que nos patients s’attendent à ce que nous travaillions avec le gouvernement. Voilà pourquoi nous avons commencé par demander de négocier avec le gouvernement provincial en janvier 2012, qui nous a écartés. Nous avons répété notre demande en août, et nous avons, une fois de plus, essuyé un refus. Le gouvernement s’est finalement présenté à la table en novembre pendant une journée pour se dérober de nouveau. Ensuite, nous nous sommes rencontrés un autre jour avant son annulation de la dernière réunion. Finalement, six semaines avant la présentation du budget, le ministre s’est présenté pour nous dire que nous devions réduire immédiatement de 20 millions de dollars le budget des services aux patients, faute de quoi, il lui faudrait prendre d’autres mesures qu’il n’a pas explicitées à notre table de négociation officielle. Nous lui demandons de discuter dans le cadre du processus de négociation officiel, de mettre au placard toutes nos autres propositions, et nous lui offrons de faire le tout selon son échéancier, mais il refuse. Maintenant, il claironne que les médecins refusent de lui parler et que notre demande de médiation dans le cadre du processus de négociation fera traîner les choses pendant des « mois ». Il veut des solutions, et il les veut tout de suite.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est assez clair que les médecins sont prêts à discuter et à trouver des solutions. Cependant, nous rejetons catégoriquement qu’une limite unilatéralement imposée aux services médicaux aux patients soit une bonne nouvelle. Les correctifs sont compliqués et nécessitent l’engagement complet à la fois du gouvernement et des fournisseurs de soins de santé. Les conversations doivent se dérouler dans un environnement de respect dans lequel chaque partie apprécie l’expertise et le savoir de l’autre.

À la place, nous avons des décisions impulsives et à court terme comme le plafonnement des facturations à l’Assurance-maladie. Que signifie le plafonnement des services médicaux pour les patients? Nous savons ce qu’il signifie, car nous l’avons déjà vu. Ce plafonnement signifiera que quelqu’un sur la liste d’attente pour voir un spécialiste ou se faire remplacer une hanche attendra probablement plus longtemps. Les personnes sans médecin de famille continueront de demander des soins primaires dans les cliniques sans rendez-vous et dans les salles d’urgence. Certains petits problèmes médicaux deviendront plus importants ainsi que difficiles et plus coûteux à traiter. Pendant ce temps, nous verrons notre système de plus en plus sous pression pendant que nous attendons un plan réel pour nous attaquer à nos problèmes à long terme.

Il est difficile d’écouter cela si vous souhaitez des solutions, et ce, immédiatement. Il n’est pas facile de parler de changements en matière de soins de santé avec les médecins, parce que nous n’avons pas de réponses faciles. Nos réponses sont difficiles, parce que nous comprenons effectivement la nature à long terme de notre problème actuel. Chaque décision a une incidence potentielle sur les patients et le coût à long terme, ce qui n’est pas nécessairement évident pour les législateurs. Mais comme dans le cas de nos décisions avec nos patients dans nos cabinets, les bonnes décisions ne sont pas impulsives ou réactives. Les bonnes décisions sont prises en consultant les experts, en examinant les preuves, en étudiant les problèmes et en en respectant un plan à long terme.

Les gens du Nouveau-Brunswick méritent à la fois que le gouvernement et les fournisseurs de soins de santé mettent l’accent sur un plan à long terme axé sur les preuves en vue de la viabilité. Nos patients tiennent au système de santé, et les médecins du Nouveau-Brunswick ont leurs patients à cœur. Gouvernement, parlez à vos médecins!

Robert Desjardins, MD FRCPC
Président de la Société médicale du Nouveau-Brunswick